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pour les ouvriers agricoles et pour les petits propriétaires paysans qui sont près de trois millions. On peut même se demander si la petite propriété paysanne pourrait se maintenir sans ces ressources supplémentaires. Mais l’importance morale des possessions communales, si petites soient-elles, est encore plus grande que leur valeur économique. Elles conservent dans la vie du village un noyau de coutumes et d’habitudes d’entr’aide qui agit comme un frein puissant sur le développement de l’individualisme sans merci et de l’avidité, que la petite propriété ne développe que trop facilement. L’entr’aide, dans toutes les circonstances possibles de la vie du village, fait partie de la vie de chaque jour dans toute la France. Partout nous rencontrons sous différents noms, le charroi, c’est-à-dire l’aide libre des voisins pour rentrer la moisson, pour la vendange, ou pour bâtir une maison ; partout nous trouvons les mêmes réunions du soir comme celles que nous avons notées en Suisse ; partout les membres de la commune s’associent pour toutes sortes de travaux. Presque tous ceux qui ont écrit sur la vie des villages en France mentionnent de telles habitudes. Mais le mieux serait peut-être de donner ici quelques extraits des lettres que j’ai reçues d’un ami à qui j’avais demandé de me communiquer ses observations sur ce sujet. Elles me viennent d’un homme âgé qui a été pendant quatre ans maire de sa commune dans le Midi de la France (dans l’Ariège) ; les faits qu’il mentionne lui sont connus par de longues années d’observation personnelle, et ils ont l’avantage d’avoir été pris dans une région limitée, au lieu d’avoir été cueillis sur un vaste espace. Quelques-uns peuvent sembler insignifiants, mais dans leur ensemble ils dépeignent bien un petit coin de la vie des villages :


Dans plusieurs communes des environs de Foix (vallée