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cette thèse sont pris en considération, nous pouvons sûrement dire que l’entr’aide est autant une loi de la vie animale que la lutte réciproque, mais que, comme facteur de l’évolution, la première a probablement une importance beaucoup plus grande, en ce qu’elle favorise le développement d’habitudes et de caractères éminemment propres à assurer la conservation et le développement de l’espèce ; elle procure aussi, avec moins de perte d’énergie, une plus grande somme de bien-être et de jouissance pour chaque individu.

De tous les continuateurs de Darwin, le premier, à ma connaissance, qui comprit toute la portée de l’Entr’aide en tant que loi de la nature et principal facteur de l’évolution progressive, fut un zoologiste russe bien connu, feu le doyen de l’Université de Saint-Pétersbourg, le professeur Kessler. Il développa ses idées dans un discours prononcé en janvier 1880, quelques mois avant sa mort, devant un congrès de naturalistes russes ; mais, comme tant de bonnes choses publiées seulement en russe, cette remarquable allocution demeura presque inconnue[1].

« En sa qualité de vieux zoologiste », il se sentait

  1. Sans parler des écrivains antérieurs à Darwin, comme Toussenel, Fée et bien d’autres, plusieurs ouvrages contenant nombre d’exemples frappants d’aide mutuelle, mais ayant principalement rapport à l’intelligence animale avaient paru avant cette date. Je puis citer ceux de Houzeau, Les facultés mentales des animaux, 2 vol., Bruxelles, 1872 ; Aus dem Geistesleben der Thiere, de L. Büchner, 2e édition en 1877, et Ueber das Seelenleben der Thiere de Maximilian Perty, Leipzig, 1876. Espinas publia son très remarquable ouvrage, Les sociétés animales, en 1877 ; dans cet ouvrage il faisait ressortir l’importance des sociétés animales pour la conservation des espèces, et engageait une discussion des plus intéressantes sur l’origine des sociétés. En réalité le livre d’Espinas contient déjà tout ce qui a été écrit depuis sur l’aide mutuelle et beaucoup d’autres bonnes choses. Si cependant je fais une mention spéciale du discours de Kessler, c’est parce que celui-