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les historiens, que le pillage des terres communales devint aisé et atteignit des proportions scandaleuses. « Chacun s’en est accommodé selon sa bienséance... On les a partagées... pour dépouiller les communes, on s’est servi de dettes simulées[1].» Naturellement le remède de l’État à de tels maux fut de rendre les communes encore plus asservies à l’État et de les piller lui-même. En effet, deux années plus tard tout le revenu en argent des communes était confisqué par le roi. Quant à l’appropriation des terres communales par les particuliers, le mal empira continuellement, et, au siècle suivant, les nobles et le clergé avaient déjà pris possession d’immenses étendues de terres — la moitié de l’espace cultivé suivant certaines estimations — le plus souvent pour les laisser en friche[2]. Cependant les paysans maintinrent encore leurs institutions communales, et jusqu’à l’année 1787 les assemblées populaires des villages, composées de tous les chefs de famille, avaient l’habitude de se réunir à l’ombre du clocher ou d’un arbre, pour partager et repartager ce qu’ils avaient conservé de leurs champs, pour répartir les impôts et pour élire leurs membres exécutifs, exactement comme le mir russe le fait encore aujourd’hui. Cela est prouvé par les recherches de Babeau[3].

Le gouvernement trouva cependant les assemblées

  1. Édit de Louis XIV, en 1667, cité par plusieurs auteurs. Huit ans avant cette date les communes avaient été mises sous la gestion de l’État.
  2. « Dans les biens d’un grand propriétaire, même s’il a des millions de revenu, on est sûr de trouver la terre non cultivée » (Arthur Young). « Un quart des terres redevient inculte » ; « pendant les derniers cent ans la terre est retournée à l’état sauvage » ; « la Sologne jadis florissante est devenue un marécage et une forêt » ; et ainsi de suite (Théron de Montaugé, cité par Taine dans les « Origines de la France contemporaine », tome 1, p. 442).
  3. A. Babeau, Le Village sous l’Ancien Régime, 3° édition, Paris, 1892.