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un sauveur — au « tyran ». Il massacrera les rebelles, mais la désintégration du corps communal continue, pire que jamais. Et quand, après une nouvelle révolte, le peuple de Florence s’adresse à l’homme le plus populaire de la cité, Jérôme Savonarole, le moine répond : « Oh mon peuple, tu sais bien que je ne peux m’occuper des affaires de l’État..., purifie ton âme, et si dans cette disposition d’esprit, tu réformes ta cité, alors, peuple de Florence, tu auras inauguré la réforme de toute l’Italie ! » Les masques et les mauvais livres sont brûlés, on fait passer une loi de charité, une autre contre les usuriers - et la démocratie de Florence reste ce qu’elle était. L’esprit de l’ancien temps est mort. Pour avoir eu trop de confiance dans le gouvernement, les citoyens ont cessé d’avoir confiance en eux-mêmes ; ils sont incapables de trouver de nouvelles voies. L’État n’a plus qu’à intervenir et à écraser les dernières libertés.

Et pourtant le courant d’entr’aide et d’appui mutuel n’était pas tout à fait tari dans les masses ; il continua de couler, même après cette défaite. Il grossit de nouveau avec une force formidable aux appels communistes des premiers propagateurs de la Réforme, et il continua à exister même après que les masses, n’ayant pas réussi à réaliser la vie qu’elles espéraient inaugurer sous l’inspiration de la religion réformée, tombèrent sous la domination d’un pouvoir autocratique. Le flot coule encore aujourd’hui, et il cherche à trouver une nouvelle expression qui ne serait plus l’État, ni la cité du moyen âge, ni la commune villageoise des barbares, ni le clan sauvage, mais participerait de toutes ces formes et leur serait supérieure par une conception plus large et plus profondément humaine.