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et où l’on renouvelait le serment à la guilde. Le repas commun, de même que la fête de l’ancienne assemblée populaire du clan — le mahl ou malum — ou l’aba des Bouriates, ou aujourd’hui le banquet de la paroisse et le souper de la moisson était simplement une affirmation de la fraternité. Ce repas symbolisait les temps où tout était mis en commun par le clan. En ce jour, au moins, tout appartenait à tous ; tous s’asseyaient à la même table et prenaient part au même repas. A une époque très postérieure, le pensionnaire de l’hospice d’une guilde de Londres s’asseyait en un tel jour à côté du riche échevin. Quant à la distinction que plusieurs écrivains ont essayé d’établir entre la « frith guilde » des anciens saxons et les guildes appelées « sociales » ou « religieuses », elle n’existe pas : toutes les guildes étaient des « frith guildes » au sens dont nous avons parlé et toutes étaient religieuses au sens où une commune villageoise ou une cité placée sous la protection d’un saint spécial est religieuse ou sociale[1]. Si les guildes ont pris une si grande extension en Asie, en Afrique et en Europe, si elles ont vécu des milliers d’années, reparaissant toujours à nouveau lorsque des conditions analogues en motivaient l’existence, c’est parce qu’elles étaient beaucoup plus que des associa-

    tuts que le jour du repas, ou celui de leurs cérémonies religieuses et ne firent allusion aux fonctions judiciaires de la guilde qu’en termes vagues ; mais ces fonctions ne disparurent cependant qu’à une époque très postérieure. La question : « Qui sera mon juge ? » n’a plus de sens aujourd’hui, depuis que l’État s’est approprié l’organisation de la justice, confiée maintenant à sa bureaucratie ; mais c’était d’importance primordiale au moyen âge, d’autant plus qu’auto-juridiction signifiait auto-administration. Il faut aussi remarquer que la traduction des mots saxons et danois « guild-bretheren » ou « brödræ », par le mot latin convivii doit avoir contribué à la confusion que nous venons de signaler.

  1. Voir les excellentes remarques sur la « frith guilde » par J. R Green et Mrs Green dans The Conquest of England, Londres, 1883, pp. 229, 230.