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posées de pacifiques communes agricoles et non de hordes d’hommes en guerre les uns contre les autres. Ces barbares couvrirent le sol de villages et de fermes[1] ; ils défrichèrent les forêts, construisirent des ponts sur les torrents, colonisèrent les solitudes qui étaient auparavant tout à fait inhabitables, et ils abandonnèrent les hasardeuses expéditions guerrières à des bandes, scholæ, ou compagnies, rassemblées par des chefs temporaires, qui erraient, offrant leur esprit aventureux, leurs armes et leur connaissance de la guerre, pour protéger des populations qui désiraient la paix avant tout. Ces guerriers, avec leurs bandes, venaient, restaient quelque temps, puis partaient ; ils poursuivaient leurs dissensions de famille ; mais la grande masse du peuple continuait à cultiver le sol, ne donnant que peu d’attention à ces guerriers cherchant à imposer leur domination, tant qu’ils n’empiétaient pas sur l’indépendance des communes villageoises[2]. Peu à peu les nouveaux occupants de l’Europe créèrent les régimes de possession de la terre et de culture du sol qui sont encore en vigueur parmi des centaines de millions d’hommes ; ils élaborèrent le système des compensations pour les dommages au lieu de la loi du talion des anciennes tribus ; ils apprirent les premiers rudiments de l’industrie ; et en même temps qu’ils fortifiaient leurs villages de murs palissadés, qu’ils élevaient des tours et des forts en terre où se réfugier au cas d’une nouvelle invasion, ils abandonnèrent la tâche de défendre

  1. W. Arnold, dans Wanderungen und Ansiedelungen der deutschen Stamme, p. 431, assure même que la moitié des terres labourables aujourd’hui dans le centre de l’Allemagne doit avoir été défrichée du VI° au IX° siècle. Nitzsch (Geschichte des deutschen Volkes, Leipzig, 1888, vol. I) partage la même opinion.
  2. Leo et Botta, Histoire d’Italie, édition française, 1844, t. I, p. 37.