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quérants divisèrent leurs propres terres entre leurs clans, et ces clans les partagèrent en parts égales entre les familles ; mais ils ne s’immiscèrent point dans les djemmâas de leurs tributaires qui pratiquent encore l’usage suivant, signalé par Jules César : la djemmâa décide chaque année quelle part du territoire communal doit être cultivée, cet espace est divisé en autant de parts qu’il y a de familles, et les parts sont tirées au sort. Il est digne de remarque que, tandis que l’on rencontre un certain nombre de prolétaires parmi les Lezghines (qui vivent sous un régime de propriété privée pour les terres, et de propriété commune pour les serfs[1] ), ils sont rares parmi leurs serfs géorgiens, qui continuent de posséder leurs terres en commun.

Le droit coutumier des montagnards du Caucase est à peu près le même que celui des Longobards ou des Francs Saliens, et plusieurs de ses dispositions aident à comprendre la procédure judiciaire des anciens barbares. Étant d’un caractère très impressionnable, ils font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les querelles d’avoir une issue fatale. Ainsi, chez les Khevsoures les épées sont vite tirées quand une querelle se déclare ; mais, si une femme s’élance et jette entre les combattants le fichu de linge qu’elle porte sur sa tête, les épées rentrent immédiatement dans leurs fourreaux et la querelle est apaisée. La coiffure des femmes est anaya. Si une querelle n’a pas été arrêtée à temps et s’est terminée par un meurtre, la somme à payer en compensation est si considérable que l’agresseur est entièrement ruiné pour toute sa vie, à moins qu’il ne soit adopté par la famille lésée ; s’il a eu recours à son

  1. Dm. Bakradze, « Notes sur le district de Zakataly » dans les mêmes Zapiski, XIV, I, p. 264. Les « équipes en commun » pour le labourage sont aussi fréquentes chez les Lezghines que chez les Ossètes.