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rons comme l’un des grands progrès de notre temps, a ainsi son origine dans l’antiquité barbare.

Les montagnards du Caucase nous offrent nombre d’autres exemples de même sorte extrêmement instructifs. En étudiant les coutumes présentes des Ossètes — leurs familles composées, leurs communes et leurs conceptions de la justice — Maxime Kovalevsky, dans un ouvrage remarquable, La coutume moderne et la loi ancienne, a méthodiquement retracé les dispositions analogues des vieux codes barbares et il a pris sur le vif les origines de la féodalité. Chez d’autres groupes du Caucase, nous entrevoyons parfois comment la commune du village est née lorsqu’elle ne descendait pas de la tribu mais se constituait par l’union volontaire de familles d’origine distincte. Ce fut récemment le cas pour quelques villages Khevsoures dont les habitants prêtèrent le serment de « communauté et fraternité[1] .» Dans une autre région du Caucase, le Daghestan, nous voyons l’établissement de relations féodales entre deux tribus, toutes deux conservant en même temps leurs communes (et même des traces des anciennes « classes » de l’organisation par gens) ; c’est un exemple vivant de ce qui s’est passé lors de la conquête de l’Italie et de la Gaule par les barbares. Les Lezghines, qui avaient conquis plusieurs villages géorgiens et tartares dans le district de Zakataly, ne les répartirent pas entre les familles des conquérants ; ils constituèrent un clan féodal qui comprend aujourd’hui 12.000 foyers dans trois villages et qui ne possède pas moins de vingt villages géorgiens et tartares en commun. Les con-

  1. N. Khoudadoff, Notes sur les Khevsoures, dans Zapiski de la Société géographique du Caucase, XIV, Tiflis, I, 1890, p. 68. Ils firent aussi le serment de ne pas épouser de filles nées au sein de leur union ; ceci montre un retour curieux aux anciennes règles de la gens.