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par une partie du groupe tandis que l’autre partie combattait aux frontières du territoire commun ou même au delà. Quant aux ligues entre plusieurs peuplades, elles étaient tout à fait fréquentes. Les Sicambres s’étaient unis avec les Chérusques et les Suèves, les Quades avec les Sarmates ; les Sarmates avec les Alans, les Carpes et les Huns. Plus tard nous voyons aussi la conception de nation se développant graduellement en Europe, longtemps avant qu’aucune organisation ressemblant à un État ne se fût constituée dans aucune partie du continent occupée par les barbares. Ces nations — car il est impossible de refuser le nom de nation à la France mérovingienne, ou à la Russie du XIème et du XIIème siècle — n’étaient cependant maintenues unies par rien autre qu’une communauté de langage. et un accord tacite entre les petites républiques pour ne choisir leurs ducs que dans une famille spéciale.

Certes les guerres étaient inévitables ; migration signifie guerre ; mais Henry Maine a déjà pleinement prouvé, dans sa remarquable étude sur les origines de la loi internationale dans les rapports entre tribus, que « l’homme n’a jamais été assez féroce ou assez stupide pour se soumettre à un mal tel que la guerre sans faire un certain effort pour l’empêcher », et il a montré combien est considérable « le nombre des anciennes institutions qui eurent pour but d’empêcher ou d’atténuer la guerre[1] ». En réalité l’homme est bien loin d’être la créature belliqueuse que l’on suppose, à tel point que, lorsque les barbares se furent fixés, ils perdirent si rapidement leurs habitudes guerrières que bientôt ils furent obligés d’entretenir des « ducs »

  1. Henry Maine, International Law, Londres, 1888, pp. 11-13 ; E. Nys, Les origines du droit international, Bruxelles, 1894.