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Herbert Spencer, de l’admettre chez l’homme. Chez l’homme primitif, soutiennent-ils, la guerre de chacun contre tous était la loi de la vie. J’examinerai, dans les chapitres consacrés aux Sauvages et aux Barbares, jusqu’à quel point cette affirmation, qui a été trop complaisamment répétée, sans critique suffisante, depuis Hobbes, est confirmée par ce que nous savons des périodes primitives du développement humain.

Après avoir examiné le nombre et l’importance des institutions d’entr’aide, formées par le génie créateur des masses sauvages et à demi sauvages pendant la période des clans, et encore plus pendant la période suivante des communes villageoises, et après avoir constaté l’immense influence que ces institutions primitives ont exercé sur le développement ultérieur de l’humanité jusqu’à l’époque actuelle, je fus amené à étendre mes recherches également aux époques historiques. J’étudiai particulièrement cette période si intéressante des libres républiques urbaines du moyen âge, dont on n’a pas encore suffisamment reconnu l’universalité ni apprécié l’influence sur notre civilisation moderne. Enfin, j’ai essayé d’indiquer brièvement l’immense importance que les instincts d’entr’aide, transmis à l’humanité par les héritages d’une très longue évolution, jouent encore aujourd’hui dans notre société moderne, — dans cette société que l’on prétend reposer sur le principe de « chacun pour soi et l’État pour tous », mais qui ne l’a jamais réalisé et ne le réalisera jamais.

On peut objecter à ce livre que les animaux aussi bien que les hommes y sont présentés sous un aspect trop favorable ; que l’on a insisté sur leurs qualités sociables, tandis que leurs instincts anti-sociaux et individualistes sont à peine mentionnés. Mais ceci était inévitable. Nous avons tant entendu parler dernièrement de « l’âpre et impitoyable lutte pour la vie, » que l’on prétendait soutenue par chaque animal contre tous les autres animaux, par chaque « sauvage » contre tous les autres « sauvages » et par chaque homme civilisé contre tous ses concitoyens — et ces assertions sont si bien devenues des articles de loi — qu’il était nécessaire, tout d’abord, de leur opposer une