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bouquet de palmiers, s’achemine dans cette direction, il est étonné de découvrir que les petits villages sont réunis par des routes pavées de grosses pierres, fort commodes pour les pieds nus des natifs et très semblables aux « vieilles routes » des montagnes suisses. Des routes semblables furent tracées par les « barbares » dans toute l’Europe ; et il faut avoir voyagé dans des pays non civilisés et peu peuplés, loin des principales voies de communication, pour bien se représenter l’énorme travail qui a dû être accompli par les communautés barbares afin de conquérir les immenses forêts et les marécages qui couvraient l’Europe il y a quelque deux mille ans. Isolées, des familles faibles et sans outils n’auraient jamais réussi ; la nature sauvage eût eu le dessus. Seules des communes villageoises, travaillant en commun, pouvaient se rendre maîtres des forêts vierges, des marais impraticables et des steppes sans bornes. Les routes primitives, les bacs pour traverser les rivières, les ponts de bois enlevés en hiver et reconstruits après les grandes crues, les clôtures et les murs en palissades des villages, les fortins et les tourelles dont le territoire était parsemé, tout cela fut l’œuvre des communes barbares. Et lorsqu’une commune devenait très nombreuse, un nouveau rejeton s’en détachait. Une nouvelle commune se formait à quelque distance de l’ancienne, soumettant pas à pas les bois et les steppes au pouvoir de l’homme. L’éclosion même des nations européennes ne fut qu’un bourgeonnement des communes villageoises. Encore aujourd’hui les paysans russes, s’ils ne sont pas tout à fait abattus par la misère, émigrent en communes, et ils cultivent le sol et bâtissent des maisons en commun quand ils s’établissent sur les bords du fleuve Amour, ou dans le Canada. Les Anglais, quand ils commençaient à coloniser l’Amé-