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pour faire partager à la commune un repas en commun. Aujourd’hui encore cet usage, bien connu en Angleterre sous le nom de « souper de la moisson » est un des derniers à disparaître D’autre part, même lorsqu’on avait cessé depuis longtemps de labourer et de semer les champs en commun, différents travaux agricoles continuèrent et continuent encore d’être accomplis par la commune. Certaines parties de la terre sont en beaucoup de cas cultivées en commun, soit au bénéfice des indigents, soit pour remplir les greniers communaux, soit pour se servir des produits à des fêtes religieuses. Les canaux d’irrigation sont creusés et réparés en commun. Les prairies communales sont fauchées par la commune ; et le spectacle d’une commune russe fauchant une prairie — les hommes rivalisant d’ardeur à faucher tandis que les femmes retournent l’herbe et la mettent en tas — est très impressionnant : on voit là ce que le travail humain pourrait être et devrait être. Le foin, dans ces circonstances est partagé entre les différentes maisons, et il est évident que personne n’a le droit de prendre du foin de la meule de son voisin sans sa permission. Mais cette règle est appliquée d’une façon curieuse chez les Ossètes du Caucase : lorsque le coucou chante et annonce que le printemps arrive et que les prairies seront bientôt de nouveau revêtues d’herbe, tous ceux qui en ont besoin ont le droit de prendre à la meule d’un voisin le foin nécessaire pour leur bétail[1]. C’est là une sorte de réaffirmation des anciens droits communaux qui semble montrer combien l’individualisme effréné est contraire à la nature humaine.

Lorsqu’un voyageur européen aborde dans quelque petite île du Pacifique et, voyant à quelque distance un

  1. Kovalevsky, La coutume moderne et la loi moderne, I, 115.