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La commune du village était une croissance naturelle, et pour cette raison une uniformité absolue dans sa structure n’était pas possible. En général c’était une union entre des familles considérées comme d’origine commune et possédant un certain territoire en commun. Mais chez certains peuples et à la faveur de diverses circonstances les familles ne se hâtaient pas de se ramifier en familles nouvelles et, quoique devenues très nombreuses, elles restaient indivises. Cinq, six et même sept générations continuaient alors à vivre sous le même toit, ou dans la même enceinte, tenant maison en commun, possédant en commun leur bétail, et prenant leurs repas ensemble, au foyer familial. Ils étaient en ce cas sous le régime de ce que l’on nomme en ethnologie « la famille composée » ou « la famille indivise », comme nous la voyons encore dans toute la Chine, dans l’Inde, dans la zadrouga des Slaves méridionaux, en Danemark, et occasionnellement dans la Russie du Nord et dans l’Ouest de la France[1]. Chez

    conclusions générales, outre Propriété primitive de Laveleye, voyez Morgan, Ancient Society ; Lippert, Kulturgeschichte ; Post, Dargun, etc. Voir aussi les conférences de M. Kovalevsky (Tableau des origines et de l’évolution de la famille et de la propriété, Stockholm, 1890). Bien des monographies spéciales devraient être mentionnées ; on peut trouver leurs titres dans les excellentes listes données par P. Viollet dans Droit privé et Droit public. Pour les autres peuples voyez les notes plus loin.

  1. Plusieurs autorités sont disposées à considérer la famille composée comme un état intermédiaire entre le clan et la commune villageoise, et il n’y a pas de doute qu’en beaucoup de cas les communes villageoises sont sorties de familles indivises. Cependant je considère la famille composée comme un fait d’ordre différent. Nous la trouvons à l’intérieur des gentes ; d’un autre côté, nous ne pouvons affirmer que la famille composée ait existé à aucune période de l’histoire sans appartenir, soit à une gens, soit à une commune de village, soit à une Gau. Je conçois les premières communes villageoises comme étant nées lentement, mais d’une façon directe des gentes, et se composant, selon les races ou selon les circonstances locales, soit de plusieurs familles composées, soit de familles simples et de familles composées, soit enfin (particulièrement en cas de nouveaux établissements) de familles simples seulement. Si cette façon de voir est juste, on n’aurait pas le droit d’établir la série : gens, famille composée, commune villageoise - le second terme de la série n’ayant pas la même valeur ethnologique que les deux autres, - Voir appendice IX.