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le caractère d’une loi générale — bien des énigmes seraient résolues. » Il revint sur ce sujet le jour suivant, et pria instamment Eckermann (qui était, comme on sait, zoologiste) d’en faire une étude spéciale, ajoutant qu’il y pourrait découvrir « des conséquences d’une valeur inestimable ». (Gespräche, édition de 1848, vol. III, pp. 219, 221.) Malheureusement, cette étude ne fut jamais faite, quoiqu’il soit fort possible que Brehm, qui a accumulé dans ses ouvrages tant de précieux documents relatifs à l’entr’aide parmi les animaux, ait pu être inspiré par la remarque de Gœthe.

Dans les années 1872-1886, plusieurs ouvrages importants, traitant de l’intelligence et de la vie mentale des animaux, furent publiés (ils sont cités dans une note du chapitre i), et trois d’entre eux touchent plus particulièrement le sujet qui nous occupe ; ce sont : Les sociétés animales d’Espinas (Paris, 1877), La lutte pour l’existence et l’association pour la lutte, conférence par J.-L. Lanessan (avril 1881) et le livre de Louis Büchner, Liebe und Liebes-Leben in der Thierwelt, dont une première édition parut en 1879, et une seconde édition, très augmentée, en 1885. Tous ces livres sont excellents ; mais il y a encore place pour un ouvrage dans lequel l’entr’aide serait considérée, non seulement comme un argument en faveur de l’origine pré-humaine des instincts moraux, mais aussi comme une loi de la nature et un facteur de l’évolution. Espinas porta toute son attention sur ces sociétés animales (fourmis et abeilles) qui reposent sur une division physiologique du travail ; et bien que son livre soit plein d’ingénieuses suggestions de toutes sortes, il fut écrit à une époque où l’évolution des sociétés humaines ne pouvait être étudiée avec les connaissances que nous possédons aujourd’hui. La conférence de Lanessan est plutôt un brillant exposé du plan général d’un ouvrage sur l’appui mutuel, commençant par les rochers de la mer et passant en revue le monde des plantes, des animaux et des hommes. Quand à l’ouvrage de Büchner, si fertile en idées qu’il soit et malgré sa richesse en faits, je n’en peux accepter la pensée dominante. Le livre commence par un hymne à l’amour,