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pour la vie — pour la plus grande plénitude et la plus grande intensité de vie, avec la moindre perte d’énergie — la sélection naturelle cherche toujours les moyens d’éviter la compétition autant que possible. Les fourmis se réunissent en groupes et en nations ; elles accumulent des provisions, elles élèvent leurs bestiaux, évitant ainsi la compétition ; et la sélection naturelle choisit parmi les fourmis les espèces qui savent le mieux éviter la compétition avec ses conséquences nécessairement pernicieuses. La plupart de nos oiseaux reculent lentement vers le Sud quand vient l’hiver, ou se réunissent en innombrables sociétés et entreprennent de longs voyages — évitant ainsi la compétition. Beaucoup de rongeurs s’endorment quand vient l’époque où commencerait la compétition ; tandis que d’autres rongeurs amassent de la nourriture pour l’hiver et se réunissent en grands villages pour s’assurer la protection nécessaire à leur travail. Le renne émigre vers la mer quand les lichens sont trop secs à l’intérieur. Les bisons traversent d’immenses continents afin de trouver de la nourriture en abondance. Les castors, quand ils deviennent trop nombreux sur une rivière, se divisent en deux bandes et se séparent : les vieux descendant la rivière et les jeunes la remontant — et ils évitent la concurrence. Et quand les animaux ne peuvent ni s’endormir, ni émigrer, ni amasser des provisions, ni élever eux-mêmes ceux qui les nourriraient, comme les fourmis élèvent les pucerons, ils font comme ces mésanges, que Wallace (Darwinism, ch. V) a décrit d’une façon si charmante : ils ont recours à de nouvelles sortes de nourriture — et ainsi encore ils évitent la compétition[1].

« Pas de compétition ! La compétition est toujours

  1. Voyez appendice VI.