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tes, faisons pour attirer l’attention et l’étude sur cet autre facteur de la vie des sociétés, l’État.

Il faut reconnaître cependant que nous-mêmes, en luttant pour l’abolition de la structure nécessairement hiérarchique, centralisée, jacobine et antilibertaire par principe, qui a nom État, — que nous aussi nous avons forcément négligé jusqu’à un certain point dans notre critique des institutions actuelles la ci-nommée Justice. Nous en avons souvent parlé, les journaux anarchistes ne cessent de la critiquer, et cependant nous ne l’avons pas encore suffisamment sapée dans ses fondements mêmes.

C’est pour attirer davantage l’attention et pour provoquer la discussion à ce sujet, que ce rapport fut écrit.

L’étude du développement des institutions amène forcément à la conclusion que l’État et la Justice — c’est-à-dire le juge, le tribunal, institués spécialement pour établir la justice dans la société — sont deux institutions qui, non seulement coexistent dans l’histoire, mais sont intimement liées entre elles par des liens de cause et effet. L’institution de juges spécialement désignés pour appliquer les punitions de la loi à ceux qui l’auront violée, amène nécessairement la constitution de l’État. Et quiconque admet la nécessité du juge et du tribunal spécialement désignés pour cette fonction, avec tout le système de lois et de punitions qui en découlent, admet par cela même la nécessité de l’État. Il a besoin d’un corps qui édicte les lois, de l’uniformité des codes, de l’université pour enseigner l’interprétation et la fabrications des lois, d’un système de geôles et de bourreaux, de la police et d’une armée au service de l’État.

En effet, la tribu primitive, toujours communiste, ne connaît pas de juge. Dans le sein de la tribu, entre membres de la même tribu, le vol, l’homicide, les blessures n’existent pas. L’usage suffit pour les empêcher. Mais dans le cas excessivement rare où