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tour de notre globe et, pour l’homme, ce globe, habité par lui, représentait le centre de la création. Lui-même — être supérieur sur sa planète — était l’élu du créateur. Le soleil, la lune, les étoiles n’étaient faits que pour lui ; vers lui était portée toute l’attention d’un dieu, qui veillait sur le moindre de ses actes, arrêtait pour lui le soleil dans sa marche, voguait dans les nuages, lançant ses ondées ou ses foudres sur les champs et sur les villes, pour récompenser les vertus, ou châtier les crimes des habitants. Pendant des milliers d’années l’homme a ainsi conçu l’univers.

Vous savez cependant quel immense changement se produisit au seizième siècle dans toutes les conceptions de l’homme, lorsqu’il lui fut démontré que, loin d’être le centre de l’univers, la terre n’était qu’un grain de sable dans le système solaire — rien qu’une boule beaucoup plus petite que d’autres planètes ; que le soleil lui-même, cet astre immense en comparaison de notre petite terre, n’était qu’une étoile parmi tant d’autres étoiles sans nombre que nous voyons briller dans le ciel, fourmiller dans la voie lactée. Combien l’homme parut petit devant cette immensité sans bornes, combien ridicules semblèrent ses prétentions ! Toute la philosophie de l’époque, toutes les conceptions sociales et religieuses se ressentirent de cette transformation dans les idées cosmogoniques. C’est de cette époque seulement que datent les sciences naturelles, dont le développement actuel nous rend si fiers.

Mais un changement, encore plus profond et d’une portée beaucoup plus grande, est en train de s’opérer dans l’ensemble des sciences, et l’anarchie, vous allez le voir, n’est qu’une des manifestations multiples de