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Mais — n’est-il pas trop prétentieux de ma part de parler d’une philosophie là où, au dire de nos critiques, il n’y a que des visions pâles d’un avenir lointain ? L’anarchie peut-elle prétendre à posséder une philosophie, lorsqu’on refuse d’en reconnaître une au socialisme ?

C’est à quoi je vais essayer de répondre, en y mettant toute la précision et toute la clarté possibles, et en vous priant de m’excuser d’avance si je répète devant vous un exemple ou deux que j’ai déjà mentionnés dans une conférence faite à Londres, et qui, ce me semble, permettent de mieux saisir ce qu’il faut entendre par philosophie de l’anarchie[1].




Vous ne m’en voudrez certainement pas, si je prends tout d’abord quelques exemples élémentaires, empruntés aux sciences naturelles. Non pour en déduire nos idées sociales — loin de là ! Mais simplement pour mieux faire ressortir certains rapports, qu’il est plus facile de saisir dans les phénomènes constatés par les sciences exactes, qu’en cherchant ses exemples seulement dans les faits si complexes des sociétés humaines.

Eh bien, ce qui nous frappe surtout dans les sciences exactes en ce moment, c’est la profonde modification qu’elles subissent depuis quelques années, dans toute leur façon de concevoir les faits de l’Univers et de les interpréter.

Il y eut un temps, vous le savez, où l’homme s’imaginait la Terre placée au centre de l’Univers. Le soleil, la lune, les planètes et les étoiles semblaient rouler au-

  1. Les Temps Nouveaux, publication de la Révolte. Paris, 1894.