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C’est par douzaines que se comptent dans les deux mondes les soulèvements de grévistes, devenus révoltes.

D’autre part, l’acte de révolte individuelle prend tous les caractères possibles, et tous les partis avancés y contribuent. Nous voyons passer devant nous la jeune révoltée, socialiste tout court, Véra Zassoulitch, tirant sur un satrape d’Alexandre II ; le social-démocrate Hœdel et le républicain Nobiling tirant sur l’empereur d’Allemagne ; l’ouvrier tonnelier Otero tirant sur le roi d’Espagne, et le mazzinien religieux Passanante allant frapper le roi d’Italie. Nous voyons les meurtres agraires en Irlande et les explosions à Londres, organisés par des nationalistes irlandais qui ont le socialisme et l’anarchie en horreur. Nous voyons toute une génération de la jeunesse russe — socialistes, constitutionnalistes et jacobins — déclarer la guerre à outrance à Alexandre II, et payer cette révolte contre le régime absolu par trente-cinq potences et par des fournées d’exilés. De nombreux attentats se produisent parmi les mineurs belges, anglais et américains. Et ce n’est que vers la fin de cette longue série que nous voyons paraître les anarchistes avec leurs actes de révolte en Espagne et en France.

Et, pendant cette même période, les massacres en gros et en détail, organisés par les gouvernements, suivent leur train régulier. Aux applaudissements de la bourgeoisie européenne, l’Assemblée de Versailles fait massacrer trente-cinq mille ouvriers Parisiens — pour la plupart des prisonniers de la Commune vaincue. Les « brigands de Pinkerton » — cette armée privée des riches capitalistes américains — massacrent selon les règles de l’art les travailleurs grévistes. Les prêtres incitent un homme, faible d’esprit, à tirer sur