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Il est évident qu’une révolution aussi profonde se produisant dans les esprits, ne peut se renfermer dans le domaine des idées, sans se traduire dans le domaine des faits. Comme l’a si bien dit ce jeune philosophe, trop vite arraché à la vie — Marc Guyau — dans un des plus beaux livres publiés depuis une trentaine d’années[1], il n’y a pas un abîme entre la pensée et l’action, du moins pour ceux qui ne sont pas habitués à la sophistique moderne. La conception est déjà un commencement d’action.

Aussi les idées nouvelles ont-elles provoqué une multitude d’actes de révolte, dans tous les pays, sous tous les aspects possibles : la révolte individuelle d’abord contre le Capital et l’État, puis la révolte collective — la grève et l’insurrection ouvrière ; toutes deux préparant, dans les esprits comme dans les faits, la révolte en masse, la révolution. En ceci, le socialisme et l’anarchie n’ont fait que suivre l’évolution, toujours suivie par les idées-forces aux approches des grands soulèvements populaires.

C’est pourquoi il serait incorrect d’attribuer à l’Anarchie le monopole des actes de révolte. Et en effet, quand nous passons en revue les actes de révolte du dernier quart de siècle, nous les voyons venir de tous les partis.

Dans toute l’Europe nous voyons une multitude de soulèvements des masses ouvrières et paysannes. La grève qui était jadis « une guerre des bras croisés », devient aujourd’hui très facilement une révolte et elle prend parfois, — aux États-Unis, en Belgique, en Andalousie, — les proportions d’une vaste insurrection.

  1. La morale sans obligation ni sanction, par M. Guyau.