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J’ai déjà remarqué que, autant que nous pouvons en juger par l’observation, la grande question en ce moment pour l’ensemble du parti socialiste, c’est d’accorder son idéal de société avec le mouvement libertaire qui germe dans l’esprit des masses. C’est aussi, c’est surtout, de réveiller en elles l’esprit d’initiative populaire qui a manqué dans les révolutions précédentes.

L’écueil, en effet, sur lequel toutes les révolutions passées ont échoué, était l’absence d’initiative organisatrice dans les masses populaires. Admirable d’intelligence dans l’attaque, le peuple manquait d’initiative dans la construction de l’édifice nouveau. Forcément, il l’abandonnait alors aux classes éduquées, à la bourgeoisie, qui possédait son idéal de société et savait plus ou moins ce qu’elle voulait faire surgir, à son avantage, de la tourmente.

Dans une révolution, démolir n’est qu’une partie de la tâche du révolutionnaire. Il faut reconstruire, et la reconstitution se fera, ou bien selon les formules du passé, apprises dans les livres, et que l’on cherchera à imposer au peuple ; ou bien, selon le génie populaire qui, spontanément, dans chaque petit village et dans chaque centre urbain, se mettra à l’œuvre pour bâtir la société socialiste. Mais pour cela, il faut que le peuple possède un idéal. Pour cela, il faut surtout qu’il ait les hommes d’initiative dans son sein.

Or, c’est précisément l’initiative du travailleur et du paysan que tous les partis — le parti socialiste autoritaire y compris — ont toujours étouffée, sciemment ou non, par la discipline du parti. Les comités, le centre ordonnant tout, les organes locaux n’avaient qu’à obéir, afin de ne plus mettre en danger l’unité de l’or-