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veut une comparaison, il faut la prendre plutôt dans les lois de l’évolution que dans celles d’un corps inorganique en mouvement.

Le fait est que chaque phase de développement d’une société est une résultante de toutes les activités de chacune des intelligences dont la société se compose : elle porte l’empreinte de tous ces millions de volontés. Aussi, quelle que soit la phase de développement que le vingtième siècle nous prépare, elle portera le cachet du réveil des idées libertaires qui se produit en ce moment. Et la profondeur de ce mouvement dépendra du nombre d’esprits qui auront rompu avec les préjugés autoritaires, de l’énergie qu’ils auront mise à l’attaque des vieilles institutions, de l’impression qu’ils auront laissée sur la masse, de la clarté avec laquelle une société affranchie se dessinera dans les esprits des masses. Mais dès aujourd’hui on peut dire qu’en France le réveil des idées libertaires a déjà imprimé son impulsion à la société, et que la prochaine révolution ne sera plus la révolution jacobine qu’elle eût été si elle avait éclaté il y a vingt ans.

Et puisque ces idées ne sont pas l’invention d’un homme ni d’un groupe, mais résultent de l’ensemble du mouvement d’idées de l’époque, nous pouvons être sûrs que quoi qu’il résulte de la prochaine révolution, ce ne sera plus le communisme centralisateur et dictatorial des années quarante, ni le collectivisme autoritaire auquel tout récemment encore on nous invitait à nous rallier, et que l’on n’ose plus défendre que mollement en ce moment.

La « première étape » ne sera donc plus — c’est certain — ce qu’on désignait de ce nom il y a à peine vingt ans.