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gnements immoraux résultant de la pratique des institutions.

Dans ce cas, son influence est nulle ou même néfaste. Prenez la morale chrétienne : quel autre enseignement eût pu avoir plus de prise sur les esprits que celui qui parla au nom d’un dieu crucifié, et put agir avec toute sa force mystique, toute la poésie du martyre, toute la grandeur du pardon aux bourreaux ? Et cependant, l’institution fut plus forte que cette religion : bientôt le christianisme — révolte contre la Rome impériale — fut conquis par cette même Rome : il en accepta les maximes, les coutumes et le langage. L’Église chrétienne devint droit Romain et, comme tel, fut dans l’histoire, alliée avec l’État, l’ennemi le plus acharné des institutions semi-communistes, auxquelles le christianisme avait fait appel à ses premiers débuts.

Pouvons-nous croire un moment que l’enseignement moral, patronné par les circulaires de ministres de l’Instruction publique aurait la force créatrice que le christianisme n’a pas eue ? Et que peut faire l’enseignement des hommes vraiment sociaux contre l’ensemble de l’enseignement dérivé de coutumes anti-sociales ?




Reste le troisième élément — l’institution elle-même, agissant de façon à faire passer les actes sociaux à l’état d’habitude, d’instinct. Celui-là — l’histoire nous le prouve — n’a jamais manqué son but, jamais il n’a agi comme une arme à double tranchant ; et quand il a faibli, c’était seulement alors que, la coutume cherchant à s’immobiliser, à se cristalliser, devenant religion inattaquable elle-même, absorbait l’individu, lui