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qui craint pour sa vie et non pour sa bourse, remplie d’écus mal acquis. — Ses craintes sont-elles réelles ?

D’ailleurs, l’expérience n’a-t-elle pas démontré tout récemment, que Jacques l’Éventreur faisait ses exploits sous les yeux de la police de Londres — et elle est encore une des plus actives, — et qu’il ne cessa ses meurtres que lorsque la population elle-même de Whitechapel se mit à lui faire la chasse ?

Et dans nos rapports quotidiens avec les concitoyens, pensez-vous que ce soient réellement les juges, les geôliers et les gendarmes qui empêchent les actes anti-sociaux de se multiplier ? Le juge, toujours féroce puisque maniaque de la loi, le délateur, le mouchard, le policier, tout ce monde interlope qui vivote autour des bâtiments, nommés par dérision palais de Justice, ne déversent-ils pas dans la société la démoralisation à pleins flots ? Lisez les procès, jetez un regard derrière la coulisse, poussez l’analyse plus loin que la façade extérieure, et vous en sortez écœuré.

La prison qui tue dans l’homme toute volonté et toute force de caractère, qui renferme dans ses murs plus de vices qu’on n’en rencontre sur aucun autre point du globe, n’a-t-elle pas toujours été l’université du crime ? La cour d’un tribunal n’est-elle pas une école de férocité ? Et ainsi de suite.

On nous dit que quand nous demandons l’abolition de l’État et de tous ses organes, nous rêvons une société, composé d’hommes meilleurs qu’ils ne le sont en réalité. — Non, mille fois non ! Tout ce que nous demandons, c’est qu’on ne rende pas les hommes pires qu’ils le sont, par de pareilles institutions !