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nombre se chiffre déjà par dizaines de mille, elles embrassent des millions d’adhérents — mais y a-t-il cinquante ans que l’État et l’Église commencèrent à en tolérer quelques-unes, — quelques-unes à peine ?

Partout ces sociétés empiètent déjà sur les fonctions de l’État et cherchent à substituer l’action libre des volontaires à celle de l’État centralisé. En Angleterre on voit surgir des compagnies d’assurance contre le vol ; des sociétés de volontaires, pour la défense du territoire, des sociétés pour la défense des côtes, que l’État cherche évidemment à placer sous sa gouverne, et dont il veut faire ses instruments de domination, mais dont l’idée mère fut de se passer de l’État. N’étaient l’Église et l’État, les sociétés libres auraient déjà conquis pour l’œuvre volontaire l’immense domaine de l’éducation. Et malgré toutes les difficultés, elles commencent à envahir ce domaine et elles y font déjà sentir leur influence.

Et lorsqu’on constate les progrès qui s’accomplissent dans cette direction, malgré et contre l’État, qui tient à garder la suprématie qu’il avait conquise pendant ces trois derniers siècles ; lorsqu’on voit comment la société volontaire envahit tout et n’est arrêtée dans ses développements que par la force de l’État, on est forcé de reconnaître une puissante tendance, une force latente de la société moderne. Et on a droit de se poser cette question : — « Si d’ici cinq, dix ou vingt ans — peu importe — les travailleurs révoltés réussissaient à briser la dite société d’assurance mutuelle entre propriétaires, banquiers, prêtres, juges et soldats ; si le peuple devient maître de ses destinées pour quelques mois et met la main sur les richesses qu’il a créées et qui lui appartiennent de droit — cherchera-t-il vrai-