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vente et l’achat. — Non dans ses effets, le capitalisme.

Les travailleurs en ont bien une vague intuition, et on les entend dire de plus en plus souvent qu’il n’y aura rien de fait si la révolution sociale ne commence par la distribution des produits, si elle ne garantit à tous ce qui est nécessaire pour vivre — c’est-à-dire le logis, la nourriture, le vêtement. Et l’on sait que cela est tout à fait possible avec les moyens puissants de production dont nous disposons. — Resté salarié, le travailleur resterait esclave de celui à qui il serait obligé de vendre sa force, — que cet acheteur soit un particulier, ou l’État.

Dans l’esprit populaire — dans cette somme de milliers d’opinions qui traversent les cerveaux humains — on sent aussi que si l’État devait se substituer au patron dans son rôle d’acheteur et de surveillant de la force de travail, ce serait encore une tyrannie odieuse. L’homme du peuple ne raisonne pas sur des abstractions, il pense en termes concrets, et c’est pourquoi il sent que l’abstraction « État » revêtirait pour lui la forme de nombreux fonctionnaires, pris parmi ses camarades d’usine ou d’atelier, et il sait à quoi s’en tenir sur leurs vertus ; excellents camarades aujourd’hui, ils deviennent demain des gérants insupportables. Et il cherche la constitution sociale qui élimine les maux actuels, sans en créer de nouveaux.

C’est pourquoi le collectivisme n’a jamais passionné les masses, qui reviennent toujours au communisme, — mais à un communisme de plus en plus dépouillé de la théocratie et de l’autoritarisme jacobin des années quarante — au communisme libre, anarchiste.

Je dirai plus. En reportant continuellement ma pensée sur ce que nous avons vu pendant ce quart de