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seulement sur le coût de la production, évalué en travail, n’ont pas pu résoudre le problème de la valeur. Dès qu’il y a échange, la valeur d’un objet devient une quantité complexe, qui dépend, surtout, du degré de satisfaction qu’elle apporte aux besoins — non pas de l’individu, comme le disaient autrefois certains économistes, mais de la société entière, prise dans son ensemble. La valeur est un fait social. Résultat d’un échange, elle a un double aspect : le côté peine et le côté satisfaction, l’un et l’autre conçus dans leur aspect social et non individuel.

D’autre part, quand on analyse les maux du régime économique actuel, on s’aperçoit — et le travailleur le sait très bien, — que leur essence est dans la nécessité forcée pour le travailleur de vendre sa force de travail. N’ayant pas de quoi vivre pendant quinze jours à venir, placé par l’État dans l’impossibilité d’utiliser ses forces sans les vendre à quelqu’un, le travailleur se vend à celui qui promet de lui donner du travail ; il renonce aux bénéfices que son travail pourrait lui apporter, il abandonne au patron la part de lion des produits qu’il fera, il abdique sa liberté même, il renonce au droit de faire valoir son opinion sur l’utilité de ce qu’il va produire et sur la manière de le faire.

L’accumulation du capital résulte ainsi, non de sa faculté d’absorber la plus-value, mais de la nécessité dans laquelle le travailleur est placé, de vendre sa force de travail, — celui qui la vend étant sûr d’avance de ne pas recevoir tout ce que cette force produit, d’être lésé dans ses intérêts, de devenir l’inférieur de l’acheteur. Sans cela, le capitaliste n’aurait jamais cherché à l’acheter. Ce qui fait que pour changer ce système, il faut l’attaquer dans son essence, dans sa cause — la