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ment, en bons de travail, selon le nombre d’heures qu’il aura données à la production. Ces bons serviraient à acheter dans les magasins sociaux toutes les marchandises, au prix de revient qui serait aussi estimé en heures de travail.

Mais si vous analysez bien cette idée vous conviendrez que son essence, ainsi que la résume un de nos amis, se réduit à ceci :

Communisme partiel dans la possession des instruments de travail et l’éducation ; concurrence entre les individus et les groupes pour le pain, le logement, le vêtement ;

Individualisme pour les œuvres de la pensée et de l’art ;

Et assistance sociale pour les enfants, les malades, les personnes âgées.

En un mot — la lutte pour les moyens d’existence, mitigée par la charité. Toujours la maxime chrétienne : « Blessez pour guérir ensuite ! » Et toujours la porte ouverte à l’inquisition pour savoir si vous êtes l’homme qu’il faut laisser lutter, ou bien l’homme que monsieur l’État doit secourir.

L’idée, vous le savez, est vieille. Elle date de Robert Owen. Proudhon la préconisa en 1848 ; aujourd’hui on en fait du « socialisme scientifique ».

Il faut dire, cependant, que ce système semble avoir peu de prise sur l’esprit des masses : on dirait qu’elles en pressentent les inconvénients, pour ne pas dire l’impossibilité.

D’abord, la durée de temps donnée à un travail quelconque ne donne pas la mesure de l’utilité sociale du travail accompli, et les théories de la valeur que l’on a voulu baser, depuis Adam Smith jusqu’à Marx,