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à nos sociétés modernes par le caractère éminemment social de notre production actuelle.




En effet, nous savons fort bien aujourd’hui qu’il est futile de parler de liberté tant que l’esclavage économique existe.

« Ne parle pas de liberté — la pauvreté c’est l’esclavage ! » n’est plus une vaine formule : elle a pénétré dans les idées des grandes masses ouvrières, elle s’infiltre dans toute la littérature de l’époque, elle entraîne ceux-là même qui vivent de la pauvreté des autres et leur ôte l’arrogance avec laquelle ils affirmaient jadis leurs droits à l’exploitation.

Que la forme actuelle d’appropriation du capital social ne peut plus durer — là-dessus des millions de socialistes dans les deux mondes sont déjà d’accord. Les capitalistes eux-mêmes sentent qu’elle s’en va et n’osent plus la défendre avec l’aplomb d’autrefois. Leur seule défense se réduit au fond à nous dire : « Vous n’avez rien inventé de mieux ! » Quant à nier les conséquences funestes des formes actuelles de la propriété, ils ne le peuvent pas. Ils pratiquent ce droit, tant qu’on leur en laisse encore la latitude, mais sans chercher à l’asseoir sur une idée.

Cela se comprend.

Voyez, par exemple, cette ville de Paris — création de tant de siècles, produit du génie de toute une nation, résultant du labeur de vingt ou trente générations. Comment soutenir devant l’habitant de cette ville, qui travaille chaque jour à l’embellir, à l’assainir, à l’alimenter, à la pourvoir de chefs-d’œuvre du génie hu-