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juges tenant à asseoir leur domination et de savants payés pour la perpétuer, — une conception de la société surgit, dans laquelle il ne reste plus de place pour ces minorités dominatrices. Cette société, rentrant en possession de tout le capital social accumulé par le travail des générations précédentes, s’organise pour mettre ce capital à profit dans l’intérêt de tous, et se constitue sans refaire le pouvoir des minorités. Elle comprend dans son sein une variété infinie de capacités, de tempéraments et d’énergies individuelles : elle n’exclut personne. Elle appelle même la lutte, le conflit, parce qu’elle sait que les époques de conflit, librement débattus, sans que le poids d’une autorité constituée fût jeté d’un côté de la balance, furent les époques du plus grand développement du génie humain. Reconnaissant que tous ses membres ont, de fait, des droits égaux à tous les trésors accumulés par le passé, elle ne connaît plus la division entre exploités et exploiteurs, entre gouvernés et gouvernants, entre dominés et dominateurs, et elle cherche à établir une certaine compatibilité harmonique dans son sein, non en assujétissant tous ses membres à une autorité qui, par fiction, serait censée représenter la société, non en cherchant à établir l’uniformité, mais en appelant tous les hommes au libre développement, à la libre initiative, à la libre action, et à la libre association.

Elle cherche le plus complet développement de l’individualité, combiné avec le plus haut développement de l’association volontaire sous tous les aspects, à tous les degrés possibles, pour tous les buts imaginables : association toujours changeante, portant en elle-même les éléments de sa durée, et revêtant les formes qui, à chaque moment, répondent le mieux aux aspirations