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question que se poserait un physiologiste devant une plante ou un animal : — « Quels sont les moyens de satisfaire aux besoins de tous, avec la moindre perte de forces ? comment une société peut-elle garantir à chacun et conséquemment à tous, la plus grande somme de satisfaction et de bonheur ? ». C’est dans cette direction que la science économique se transforme ; et après avoir été si longtemps une simple constatation de phénomènes interprétés dans l’intérêt des riches minorités, elle tend à devenir (ou plutôt elle élabore les éléments pour devenir) une science au vrai sens du mot — une physiologie des sociétés humaines.




En même temps qu’une nouvelle vue d’ensemble, une nouvelle philosophie, s’élabore ainsi dans les sciences, nous voyons aussi s’élaborer une conception de la société, tout à fait différente de celles qui ont prévalu jusqu’à nos jours. Sous le nom d’anarchie, surgit une interprétation nouvelle de la vie passée et présente des sociétés en même temps qu’une prévision concernant leur avenir, conçues l’une et l’autre dans le même esprit que la conception de la nature dont je viens de parler. L’anarchie se présente ainsi comme une partie intégrante de la philosophie nouvelle, et c’est pourquoi l’anarchiste se trouve en contact sur un si grand nombre de points avec les plus grands penseurs et poètes de l’époque actuelle.

En effet, il est certain qu’à mesure que le cerveau humain s’affranchit des idées qui lui furent inculquées par les minorités de prêtres, de chefs militaires, de