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peuples, puis l’étude des individus. L’historien veut savoir comment les membres dont se composait telle nation vivaient à telle époque, quelles étaient leurs croyances, leurs moyens d’existence, quel idéal social se dessinait devant eux, et quels moyens ils possédaient pour cheminer vers cet idéal. Et par l’action de toutes ces forces, jadis négligées, il interprétera les grands phénomènes historiques.

De même le savant qui étudie la jurisprudence ne se contente plus d’étudier tel ou tel code. Comme l’ethnologue, il veut connaître la genèse des institutions qui se succèdent ; il suit leur évolution à travers les âges et, dans cette étude, il s’applique bien moins à la loi écrite qu’aux usages locaux, au « droit coutumier », dans lesquels le génie constructif des masses inconnues a trouvé son expression à toute époque. Une science toute nouvelle s’élabore dans cette direction et elle promet de bouleverser les conceptions établies que nous avons apprises à l’école, arrivant à interpréter l’Histoire de la même manière que les sciences naturelles interprètent les phénomènes de la Nature.

Enfin l’économie politique, qui fut à ses débuts une étude sur la richesse des nations, devient aujourd’hui une étude sur la richesse des individus. Elle tient moins à savoir si telle nation fait ou non un gros commerce extérieur ; elle veut s’assurer que le pain ne manque pas dans la chaumière du paysan et de l’ouvrier. Elle frappe à toutes les portes — à celle du palais comme à celle du taudis — et demande au riche comme au pauvre : « jusqu’à quel point vos besoins de nécessaire et de luxe sont-ils satisfaits ? » Et comme elle constate que les besoins les plus pressants de bien-être ne le sont pas pour les neuf dixièmes de l’humanité, elle se pose la