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ne sont point nouveaux, mais la façon de les concevoir est en train d’évoluer, et s’il fallait caractériser cette tendance en peu de mots, on pourrait dire que, si autrefois la science s’attachait à étudier les grands résultats et les grandes sommes (les intégrales, dirait le mathématicien), aujourd’hui elle s’attache surtout à étudier les infiniment petits, les individus dont se composent ces sommes et dont elle a fini par reconnaître l’indépendance et l’individualité, en même temps que leur agrégation intime.

Quant à l’harmonie que l’esprit humain découvre dans la nature et qui n’est, au fond, que la constatation d’une certaine stabilité des phénomènes, le savant moderne la reconnaît sans doute, aujourd’hui plus que jamais. Mais il ne cherche pas à l’expliquer par l’action de lois conçues selon un certain plan, préétablies par une volonté intelligente.

Ce que l’on appelait « loi naturelle » n’est plus qu’un rapport entre certains phénomènes, entrevu par nous, et chaque « loi » naturelle prend un caractère conditionnel de causalité : c’est-à-dire : Si tel phénomène se produit dans de telles conditions, tel autre phénomène suivra. Point de loi placée en dehors du phénomène : chaque phénomène gouverne celui qui lui succède, non la loi.

Rien de préconçu dans ce que nous appelons l’harmonie de la nature. Le hasard des chocs et des rencontres a suffi pour l’établir. Tel phénomène durera des siècles, parce que l’adaptation, l’équilibre qu’il représente, a pris des siècles à s’établir ; tandis que tel autre ne durera qu’un instant si cette forme d’équilibre momentané est née en un instant. Si les planètes de notre système solaire ne s’entrechoquent pas et ne