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entre temps, les terres communales furent à nouveau confisquées en entier par l’État, en 1813, et pillées à nouveau pendant trois ans. Ce qui en resta ne fut rendu aux communes qu’en 1816.

Croyez-vous que c’est fini ? — Pas du tout ! Chaque nouveau régime a vu dans les terres communales une source de récompense pour ses suppôts. Aussi, depuis 1830, à trois reprises différentes — la première fois en 1837 et la dernière sous Napoléon III — des lois furent promulguées pour forcer les paysans à partager ce qu’il leur restait de forêts et de pâturages communaux, et trois fois l’État fut obligé d’abroger ces lois, à cause de la résistance des paysans. Tout de même, Napoléon III sut en profiter pour saisir quelques larges propriétés et en faire des cadeaux à certaines de ses créatures.

Voilà les faits. Et voilà ce que ces Messieurs appellent, en langage « scientifique », la mort naturelle de la possession communale « sous l’influence des lois économiques ». Autant vaudrait nommer mort naturelle le massacre de cent mille soldats sur les champs de bataille !

Eh bien, ce qui se fit en France, se fit en Belgique, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche — partout en Europe, à l’exception des pays slaves.

Mais quoi ! les époques de recrudescence du pillage des communes se correspondent dans toute l’Europe occidentale. Les procédés seuls varient. Ainsi, en Angleterre, on n’osa pas procéder par des mesures générales ; on préféra passer au Parlement quelques milliers d’enclosure acts (actes de clôture) séparés, par lesquels, dans chaque cas spécial, le Parlement sanctionna la confiscation — il le fait jusqu’à présent — et donna au seigneur le droit de garder les terres communales qu’il avait ceintes d’un enclos. Et, alors que la nature a respecté jusqu’à présent les sillons étroits par lesquels les champs communaux se divisaient temporairement entre les diverses familles de village en Angleterre, et que nous avons dans les livres d’un certain Marshal des descriptions nettes de cette forme de possession au commencement du XIXe siècle, il ne manque pas de savants (tel Seebohm, digne émule de Fustel de Coulanges) pour soutenir et enseigner que la commune n’a jamais existé en Angleterre autrement que comme ferme de servage !

En Belgique, en Allemagne, en Italie, en Espagne, nous retrouvons les mêmes procédés. Et, d’une façon ou d’une autre, l’appropriation personnelle des terres, jadis communales, se trouva presque achevée