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dans la province dont il était l’intendant, avait cependant déjà trouvé les assemblées de village « trop bruyantes », et il les avait abolies dans son intendance pour y substituer des assemblées élues parmi les gros bonnets du village. Et, à la veille de la Révolution, en 1787, l’État généralisa cette mesure. Le mir était aboli, et les affaires des communes tombèrent ainsi entre les mains que quelques syndics, élus par les plus riches bourgeois et paysans.

La Constituante s’empressa de confirmer cette loi, en décembre 1789, et les bourgeois se substituèrent alors aux seigneurs pour dépouiller les communes de ce qu’il leur restait de terre communales. Il fallut alors Jacquerie sur Jacquerie pour forcer la Convention, en 1793, à confirmer ce que les paysans révoltés venaient d’accomplir dans la partie orientale de la France. C’est-à-dire, la convention ordonna le retour des terres communales aux paysans — chose qui ne se fit d’ailleurs que là où elle était déjà faite révolutionnairement. C’est le sort, vous le savez, de toutes les lois révolutionnaires. Elles n’entrent en vigueur que là où le fait est déjà accompli.

La législation avait voulu y mettre de son fiel bourgeois. Son intention était que les terres communales fussent partagées, en parts égales, seulement aux citoyens « actifs » — c’est-à-dire entre les bourgeois du village. D’un coup de plume, elle voulait déposséder les « citoyens passifs », c’est-à-dire la masse des paysans appauvris, qui avaient le plus besoin de ces terres. Sur quoi, heureusement, il y eut de nouvelles Jacqueries, et la Convention autorisa, en juillet 1798, le partage des terres par tête, entre tous les habitants — chose, encore, qui ne fut faite que par-ci par-là, mais qui servit de prétexte à une nouveau pillage des terres communales.

Ces mesures n’étaient-elles pas déjà suffisantes pour provoquer ce que Messieurs appellent « la mort naturelle » de la commune ? Et cependant la commune vivait toujours. Alors, le 24 août 1794, la réaction arrivée au pouvoir frappa le grand coup. L’État confisqua toutes les terres des communes et en fit un fonds de garantie de la dette publique, les mettant aux enchères et les livrant à ses créatures, les thermidoriens.

Le 2 prairial, an V, après trois ans de curée, cette loi fut heureusement abrogée. Mais, du même coup, les communes furent abolies et remplacées par des conseils cantonaux, afin que l’État pût les peupler plus facilement de ses créatures. Cela dura jusqu’en 1801, lorsque les communes furent réintroduites ; mais alors le gouvernement se chargea lui-même de nommer les maires et les syndics dans chacune des 360.000 communes ! Et cette absurdité dura jusqu’à la Révolution de juillet 1830 ; après quoi, la loi de 1789 fut réintroduite. Et,