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quatre, cinq ou six sections, ou secteurs qui rayonnent de la citadelle vers les murs. De préférence ces secteurs sont habités, chacun, par un « art » ou métier, tandis que les nouveaux métiers — les « arts jeunes » — occupent les faubourgs qui seront bientôt entourés d’une nouvelle enceinte fortifiée.

La rue, ou la paroisse, représente l’unité territoriale qui répond à l’ancienne commune de village. Chaque rue, ou paroisse, a son assemblée populaire, son forum, son tribunal populaire, son prêtre, sa milice, sa bannière, et souvent son sceau, symbole de la souveraineté. Fédérée avec d’autres rues, elle garde néanmoins son indépendance.

L’unité professionnelle, qui se confond souvent, ou à peu près, avec le quartier ou le secteur, est la guilde — l’union de métier. Celle-ci a aussi ses saints, son assemblée, son forum, ses juges. Elle a sa caisse, sa propriété foncière, sa milice et sa bannière. Elle a aussi son sceau et elle aussi reste souveraine. En cas de guerre, sa milice marchera, si elle le juge convenable, pour joindre son contingent à celui des autres guildes et planter sa bannière à côté de la grande bannière, ou le carrosse, de la cité.

La cité, enfin, c’est l’union des quartiers, des rues, des paroisses et des guildes, et elle a son assemblée plénière au grand forum, son grand beffroi, ses juges élus, sa bannière pour rallier les milices des guildes et des quartiers. Elle traite en souveraine avec d’autres cités, se fédère avec qui elle veut, conclut des alliances nationales, ou en dehors de la nation. Ainsi les « Cinque Ports » anglais autour de Douvres sont fédérés avec des ports français et néerlandais de l’autre côté de la Manche ; la Novgorod russe est l’alliée de la Hansa scandinavo-germanique et ainsi de suite. Dans ses relations extérieures, chaque cité possède tous les attributs de l’État moderne, et dès cette époque se constitue, par contrats libres, ce qu’on connaîtra plus tard comme le droit international, placé sous la sanction de l’opinion publique de toutes les cités, et plus souvent violé que respecté plus tard par les États.

Que de fois telle cité, ne pouvant « trouver la sentence » dans tel cas compliqué, envoie « chercher la sentence » chez une cité voisine ! Que de fois cet esprit dominant de l’époque — l’arbitrage, plutôt que l’autorité du juge — se manifeste dans le fait de deux communes prenant une troisième pour arbitre !

Les métiers agissent de même. Ils traitent leurs affaires de commerce et de métier par-dessus leurs cités et font leurs traités, sans tenir compte de la nationalité. Et lorsque, dans notre ignorance, nous parlons avec gloriole de nos congrès internationaux d’ouvriers, nous oublions que des congrès internationaux de métiers, et même d’apprentis, se tenaient déjà au XVe siècle.

Enfin, la cité, ou bien se défend elle-même contre les agresseurs et