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alors qu’à reconnaître le fait accompli — ou bien combattre la jeune conjuration avec les armes. Souvent le roi — c’est-à-dire le prince qui cherchait à se donner de la supériorité sur les autres princes et dont les coffres étaient toujours vides — « octroyait » la charte, moyennant finances. Il renonçait ainsi à vouloir imposer son juge à la commune, tout en se donnant de l’importance vis-à-vis d’autres seigneurs féodaux. Mais ce n’était nullement la règle : des centaines de communes vivaient sans autre sanction que leur bon vouloir, leurs murailles et leurs lances.

En cent ans ce mouvement se répandit, avec un ensemble frappant, dans toute l’Europe, — par imitation, remarquez-le bien, englobant l’Écosse, la France, les Pays-Bas, la Scandinavie, l’Allemagne, l’Italie et la Pologne, la Russie. Et quand nous comparons aujourd’hui les chartes et l’organisation intérieure des communes françaises, anglaises, écossaises, néerlandaises, scandinaves, allemandes, polonaises, russes, suisses, italiennes ou espagnoles, nous sommes frappés par la presque identité de ces chartes et de l’organisation qui grandit à l’abri de ces « contrats sociaux ». Quelle leçon frappante pour les romanistes et les hégéliens qui ne connaissent d’autre moyen, pour obtenir la similarité dans les institutions, que la servitude devant la loi !

De l’Atlantique jusqu’au cours moyen du Volga, et de la Norvège à l’Italie, l’Europe se couvrait de pareilles communes — les unes devenant des cités populeuses comme Florence, Venise, Nuremberg ou Novgorod, les autres restant des bourgades d’une centaine ou même d’une vingtaine de familles, et néanmoins traitées en égales par leurs sœurs plus prospères.

Organismes pleins de sève, les communes se différenciaient évidemment dans leur évolution. La position géographique, le caractère du commerce extérieur, les résistances à vaincre au dehors, donnaient à chaque commune son histoire. Mais pour toutes le principe est le même. Pskov en Russie et Bruges en Hollande, un bourg écossais de trois cents habitants et la riche Venise avec ses îles, une bourgade du nord de la France ou de la Pologne et Florence la Belle représentent la même amitas : la même amitié des communes de village et des guildes associées ; leur constitution, dans ses traits généraux, est la même.

Généralement, la ville, dont l’enceinte grandit en longueur et en épaisseur avec la population, et se flanque de tours de plus en plus hautes, élevées, chacune, par tel quartier ou telle guilde et portant son cachet individuel, — généralement, dis-je, la ville est divisée en