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et de réorganisation. Pendant la Grande Révolution de 1789-1794 ce furent les sections de Paris et d’autres grandes villes et des municipalités révolutionnaires dans les petites villes qui, dépassant la Convention et les organes provinciaux du gouvernement révolutionnaire, se mirent à ébaucher des tentatives de reconstruction économique et de libre entente de la Société. C’est ce que nous démontrent, aujourd’hui, les documents, déjà publiés, concernant l’activité de ces organes trop méconnus de la révolution.

Un peuple qui aura su organiser lui-même la consommation des richesses et leur reproduction dans l’intérêt de toute la société, ne pourra plus être gouverné. Un peuple qui sera lui-même la force armée du pays, et qui aura su donner aux citoyens armés la cohésion et l’unité d’action nécessaires, ne sera plus commandé. Un peuple qui aura lui-même organisé ses chemins de fer, sa marine, ses écoles, ne pourra plus être administré. Et enfin, un peuple qui aura su organiser ses arbitres pour juger les petites disputes, et dont chaque individu se considérera comme un devoir d’empêcher que le gredin n’abuse du faible, sans attendre l’intervention providentielle du sergent de ville, n’aura besoin ni d’argousins, ni de juges, ni de geôliers.

Dans les révolutions du passé, le peuple se chargeait de l’œuvre de démolition ; quant à celle de réorganisation, il la laissait aux bourgeois. — « Mieux versés que nous dans l’art de gouverner, venez, seigneurs ; organisez-nous, ordonnez-nous le travail, pour que nous ne mourrions pas de faim ; empêchez-nous de nous entre-dévorer, punissez et pardonnez selon les lois que vous aurez faites pour nous, pauvres d’esprit ! » — Et l’on sait comment ils profitaient de l’invitation.

Eh bien, la tâche qui s’impose au peuple lors du prochain soulèvement, sera de s’emparer précisément de cette fonction qu’il a abandonnée jadis aux bourgeois. Elle sera de créer, — d’organiser, en même temps que de détruire.

Pour accomplir cette tâche, la révolution populaire aura besoin de toute la puissance d’initiative de tous les hommes de cœur, de toute l’audace de leur pensée, affranchie des cauchemars du passé, de toute leur éner-