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pas les yeux sur les difficultés ? qu’il sache les regarder en face ?

C’est en faisant une conjuration contre tous les maîtres — une conjuration pour garantir à tous la liberté et à tous un certain bien-être — que les citadins révoltés débutèrent au douzième siècle. C’est aussi par une conjuration pour garantir à tous le pain et la liberté que devra débuter la révolution sociale. Que tous, sans aucune exception, sachent que quoi qu’il arrive à la révolution, sa première pensée sera toujours donnée à pourvoir le pain, le gîte, le vêtement aux habitants de la cité ou du territoire, — et dans ce seul fait de solidarité générale, la révolution trouvera des forces qui ont manqué aux révolutions précédentes.

Mais pour cela, il faut renoncer aux errements de l’ancienne économie politique bourgeoise. Il faut se défaire pour toujours du salariat sous toutes ses formes possibles, et envisager la société comme un grand tout, organisé pour produire la plus grande somme possible de bien-être, avec la moindre perte de forces humaines. Il faut s’habituer à considérer la rémunération personnelle des services comme une impossibilité, comme une tentative échouée du passé, comme un encombrement pour l’avenir, si elle continuait d’exister.

Et il faut se défaire, non seulement en principe, mais jusque dans les moindres applications, du principe d’autorité, de la concentration des fonctions qui fait l’essence de la société actuelle.

Tel étant le problème, il serait bien triste si les travailleurs révolutionnaires s’illusionnaient sur sa simplicité, ou s’ils ne cherchaient déjà à se rendre compte sur la façon dont ils entendent le résoudre.

IV

La bourgeoisie est une force, non seulement parce qu’elle possède la richesse, mais surtout parce qu’elle a mis à profit le loisir que lui donnait la richesse pour s’instruire dans l’art de gouverner et pour élaborer une