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affreuse des misères, dès que le patron s’apercevra que « son ouvrier, son esclave, fait du socialisme ! »

Voilà ce que vous verrez, si vous allez dans le peuple.


Et dans cette lutte sans fin, que de fois le travailleur, succombant sous le poids des obstacles, ne s’est-il pas demandé vainement : « Où sont-ils donc ces jeunes gens qui se sont donné l’instruction à nos frais ? ces jeunes, que nous avons nourris et vêtus pendant qu’ils étudiaient ? pour qui, le dos courbé sous le fardeau, et le ventre creux, nous avons bâti ces maisons, ces académies, ces musées ? pour qui, le visage blême, nous avons imprimé ces beaux livres que nous ne pouvons pas même lire ? Où sont-ils, ces professeurs qui disent posséder la science humanitaire et pour qui l’humanité ne vaut pas une espèce rare de chenilles ? Ces hommes qui parlent de liberté et jamais ne défendent la nôtre, chaque jour foulée aux pieds ? Ces écrivains, ces poètes, ces peintres, toute cette bande d’hypocrites en un mot qui, les larmes aux yeux, parlent du peuple et qui jamais ne se sont trouvés avec nous, pour nous aider dans nos travaux ? »

Les uns se plaisent dans leur lâche indifférence ; les autres, le grand nombre, méprisent « la canaille » et sont prêts à se ruer sur elle, si elle ose toucher à leurs privilèges.

De temps en temps il arrive bien un jeune homme qui rêve tambours et barricades, et qui vient chercher des scènes à sensation, mais qui déserte la cause du peuple dès qu’il s’aperçoit que la route de la barricade est longue, que le travail est pénible et