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et seules quelques têtes d’enfants exceptionnellement belles furent gardées comme souvenir.

Quand on veut expliquer la connexité existant entre la volupté et la cruauté, il faut remonter à ces cas qui sont encore presque physiologiques où, au moment de la volupté suprême, des individus, normaux d’ailleurs mais très excitables, commettent des actes, comme mordre ou égratigner, qui habituellement ne sont inspirés que par la colère. Il faut, en outre, rappeler que l’amour et la colère sont non seulement les deux plus fortes passions, mais encore les deux uniques formes possibles de la passion forte (sthénique). Toutes les deux cherchent leur objet, veulent s’en emparer, et se manifestent par une action physique sur l’objet ; toutes les deux mettent la sphère psycho-motrice dans la plus grande agitation et arrivent par cette agitation même à leur manifestation normale.

Partant de ce point de vue, on comprend que la volupté pousse à des actes qui, dans d’autres cas, ressemblent à ceux inspirés par la colère[1].

L’une comme l’autre est un état d’exaltation, constitue une puissante excitation de toute la sphère psychomotrice. Il en résulte un désir de réagir par tous les moyens possibles et avec la plus grande intensité contre l’objet qui provoque l’excitation. De même que l’exaltation maniaque passe facilement à l’état de manie de destruction furieuse, de même l’exaltation de la passion sexuelle produit quelquefois le violent désir de détendre l’excitation générale par des actes insensés qui ont une apparence d’hostilité. Ces actes représentent pour ainsi dire des mouvements psychiques et accessoires ; il ne s’agit point d’une simple excitation inconsciente de l’innervation musculaire (ce qui se manifeste aussi quelquefois sous forme de convulsions aveugles), mais d’une vraie

  1. Schultz (Wiener med. Wochenschrift, 1869, nº 49) rapporte le cas curieux d’un homme de vingt-huit ans qui ne pouvait faire avec sa femme le coït qu’après s’être mis artificiellement en colère.