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plaisir à tenir les hommes aussi longtemps que possible en erreur sur son sexe. Lotte est en train de chanter un couplet qui n’est pas tout à fait conforme à l’étiquette d’une Cour impériale ; elle fait entendre, grâce à un entraînement et à un exercice de longues années, une voix d’alto que bien des cantatrices pourraient lui envier. « Lotte » a aussi très souvent « travaillé » dans la spécialité d’« actrice comique ». Aujourd’hui l’ancien comptable s’est tellement absorbé dans son rôle de dame que, même quand il sort dans la rue, il paraît toujours en toilette de femme, et les gens chez lesquels il est logé, racontent qu’il se sert même d’une robe de nuit de dame joliment brodée.

En examinant de plus près les assistants, j’ai découvert, à ma grande surprise, plusieurs personnes de ma connaissance : mon cordonnier que j’aurais pris pour tout autre chose plutôt que pour un ennemi du beau sexe ; il est aujourd’hui déguisé en « Trouvère » avec épée et chapeau à plumes et sa « Léonore » en costume de fiancée me donne habituellement au bureau de tabac les « Havanne » et les « Upmann ». Je reconnais bien distinctement la « Léonore » qui pendant l’entr’acte s’est dégantée : voilà bien ses grandes mains couvertes d’engelures. Tiens ! voilà aussi mon fournisseur de cravates ! Il court dans un costume bien risqué ; il est en « Bacchus » et le céladon d’une dame attifée d’une manière déplaisante, dame qui, à d’autres heures, sert comme garçon de brasserie. Les « vraies » dames qu’on rencontre ne sauraient faire le sujet d’une description destinée à la publicité. Dans tous les cas celles-ci n’ont de rapports qu’entre elles et évitent tout rapprochement avec les hommes mysogines, pendant que ceux-ci restent et s’amusent entre eux, et ne prennent aucun souci du sexe féminin.


Ces faits méritent l’attention pleine et entière des autorités policières qui devraient être à même d’avoir légalement le même pouvoir d’agir contre la prostitution masculine, que contre la prostitution féminine.

Dans tous les cas, la prostitution masculine est de beaucoup plus dangereuse pour la société que la prostitution féminine : c’est la plus grande des hontes dans l’histoire de l’humanité.

Je sais par les renseignements d’un fonctionnaire supérieur de la police de Berlin que celle-ci connaît jusque dans ses moindres détails le demi-monde masculin de la capitale alle-