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nature. Ils manquent donc de tous les correctifs moraux qui pourraient les empêcher de commettre leur délit sexuel.

5o À défaut d’une définition exacte de ce qu’il faut entendre par impudicité contre nature, on a laissé une trop grande latitude à l’arbitraire personnel du juge. L’interprétation de plus en plus subtile du § 175, en Allemagne, nous montre combien la manière d’envisager juridiquement le cas varie et est peu fixe. Le fait objectif est décisif pour le jugement. (En général on ne s’inquiète jamais du fait subjectif.) Comment peut-on établir le premier ? Le délit est toujours commis sans témoins.

6o On ne peut invoquer aucune raison théorique ou juridique pour le maintien de l’article du Code. Il n’a que rarement pour effet d’empêcher le délit par crainte de la punition ; son application ne corrige jamais, car des phénomènes naturels morbides ne peuvent pas être détruits par une punition ; comme châtiment d’un acte punissable qui ne l’est que dans certaines conditions souvent erronées, l’application de cet article peut amener les injustices les plus formidables. Qu’on n’oublie pas que, dans divers pays civilisés, cet article du Code n’existe pas, et qu’en Allemagne il ne représente qu’une concession faite au sentiment de la morale publique qui cependant part d’une supposition fausse et confond la perversion avec la perversité.

7o À mon avis, la jeunesse et la moralité publique sont suffisamment protégées en Allemagne par d’autres articles du Code ; l’article 175 fait plus de mal que de bien, car il favorise une des infamies les plus abominables : le chantage.

Il est vrai qu’on punit aussi le maître-chanteur qui a dénoncé le fait, mais il a pour lui la chance énorme que sa victime ne laissera pas venir les choses à l’extrême, c’est-à-dire jusqu’à la dénonciation au parquet. Dans les plus mauvais cas, un coquin de cette espèce se laisse nourrir en prison pendant quelque temps, sans qu’il soit compromis dans son existence honteuse, tandis que sa victime est déshonorée, ruinée, et finit souvent par le suicide.