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penchant pour les hommes. Aussi n’a-t-il plus rêvé d’hommes, et deux fois même dans ses songes il s’est occupé de femmes, mais tout à fait platoniquement. Son asthénie cérébrale (ex abstinentia[ws 1]) s’est augmentée. Il souffre évidemment du manque d’une satisfaction morale et sensuelle de sa vita sexualis, puisque l’amour homosexuel et la masturbation lui sont devenus impossibles, et que, en même temps, il est aussi privé des rapports avec les femmes. Le malade en est péniblement affecté jusqu’au tædium vitæ[ws 2].

On le soumet alors à un traitement antineurasthénique (hydro-électrothérapie) et on reprend le traitement hypnotique. Ce n’est qu’après une cure laborieuse de dix semaines que les malaises neurasthéniques disparaissent. Parallèlement il se produit un changement dans l’individualité psychique.

Le malade s’aperçoit avec satisfaction qu’il devient plus vigoureux et que la vie sexuelle ne joue plus chez lui un rôle dominant. Il est vrai qu’il se sent attiré plutôt vers l’homme que vers la femme, mais il résiste facilement aux désirs homosexuels. Le boudoir qu’il avait jusqu’ici se transforme en bureau de travail ; au lieu de s’occuper de luxe, de toilette et de lectures frivoles, il court dans les forêts et sur les montagnes. À cause des dangers d’un échec, on laisse le malade prendre une initiative sur le terrain hétérosexuel.

Ce n’est que dans la quatorzième semaine de sa cure qu’il se met à l’épreuve. Il réussit brillamment. Il devient un homme gai, sain de corps et d’esprit ; il nourrit les meilleures espérances pour son avenir et caresse même l’idée de se marier.

Il éprouve un plaisir croissant aux rapports sexuels normaux et a, à l’occasion, des rêves érotiques concernant des femmes ; il ne rêve plus d’hommes.

Vers la fin du mois de septembre, la cure du malade est terminée. Il se sent tout à fait normal sous le rapport hétérosexuel ; il est délivré de sa neurasthénie et il a des idées de mariage. Toutefois il avoue franchement qu’il entre encore en érection quand il voit un homme bien fait tout nu ; mais il résiste avec facilité aux envies qui pourraient le prendre à ce propos ; dans la vie des songes il a exclusivement des « relations avec la femme ».

Au mois d’avril 1891 j’ai revu le malade qui se portait au mieux. Il croit que sa vita sexualis est complètement assainie, en tant qu’il fait le coït régulièrement avec une parfaite puissance, qu’il ne rêve que de femmes et qu’il n’a jamais la moindre velléité de

  1. par abstinence
  2. jusqu’à la dépression suicidaire