Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/457

Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’ai fait mes classes au lycée, puis mon service militaire comme volontaire d’un an ; j’ai étudié ensuite la science forestière et je suis maintenant intendant d’un grand domaine. Je n’ai appris à parler qu’à l’âge de trois ans et ce fait a contribué à maintenir les gens dans la supposition que je suis hydrocéphale. À partir de l’époque où j’allai à l’école, mon développement intellectuel fut normal ; j’apprenais même facilement, mais je n’ai jamais pu concentrer mon activité sur un point fixe. J’ai beaucoup de goût pour l’art et pour l’esthétique, mais aucun goût pour la musique. Dans mes premières années, j’avais le plus mauvais caractère qu’on puisse imaginer. Il a changé complètement au cours de ces derniers douze ans, sans que j’en puisse indiquer la cause. Aujourd’hui rien ne m’est plus haïssable que le mensonge et je ne dis plus rien de contraire à la vérité, pas même en plaisantant. Dans les affaires d’argent je suis devenu très économe, sans être pour cela avare.

Bref, aujourd’hui je ne pense qu’en rougissant à mon passé et je ne me considérerai à juste titre comme un parfait galant homme, que lorsque je pourrai être délivré de ma malheureuse perversion ou perversité sexuelle. J’ai bon cœur, toujours prêt à faire le bien dans la mesure de mes moyens, de caractère gai pour la plupart du temps ; je suis un homme bien vu dans la société. Je n’ai aucune trace de cette irascibilité nerveuse qu’on remarque si souvent chez mes compagnons de souffrance. Je ne manque pas non plus de bravoure personnelle. Rien dans les premières phases de mon développement n’indique une anomalie. Il est vrai qu’étant encore enfant j’aimais à être au lit et à me coucher sur le ventre ; je me suis, dans cette position, le matin, frotté avec plaisir le ventre contre le lit, ce qui a souvent fait rire mes parents adoptifs. Mais je ne me rappelle pas avoir ressenti de sensations voluptueuses par ces mouvements. Je n’ai jamais recherché particulièrement la camaraderie des petites filles et je n’ai jamais joué aux poupées. De très bonne heure, j’entendis parler des choses sexuelles. Mais en écoutant ce genre de conversation, je ne pensais à rien. Même dans la vie de mes rêves, il n’y avait alors rien qui touchât aux choses sexuelles. Il n’en était pas non plus question dans mes relations avec les garçons de mon âge. Je crois pouvoir affirmer que ma vita sexualis ne s’est éveillée qu’à l’âge de treize ans, au pensionnat, après avoir été entraîné par un camarade à l’onanisme mutuel. L’éjaculation ne se produisit pas encore ; la première n’eut lieu qu’un an plus tard. Malgré cela, je me livrai