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Sa pudeur va si loin qu’elle coucherait plutôt avec des hommes qu’avec des femmes. Ainsi quand elle veut satisfaire un besoin naturel ou changer du linge, elle se voit dans la nécessité de prier sa compagne de cellule de se tourner vers la fenêtre pour qu’elle ne la regarde pas.

Quand S… se trouve par hasard en contact avec sa compagne de cellule, femme de la lie du peuple, elle éprouve une excitation voluptueuse, et a dû en rougir. S… raconte, même spontanément, qu’elle fut en proie à une véritable angoisse lorsque, dans la cellule de la prison, elle fut forcée de reprendre les vêtements de femme dont elle avait perdu l’habitude. Sa seule consolation fut qu’on lui avait laissé au moins sa chemise d’homme. Ce qui est très remarquable et ce qui prouve l’importance du sens olfactif dans sa vita sexualis, c’est qu’elle nous dit que, après le départ de Marie, elle avait cherché et reniflé les endroits du canapé où la tête de Marie s’était posée, pour respirer avec volupté le parfum de ses cheveux. Quant aux femmes, ce ne sont pas précisément les jeunes et les plantureuses qui intéressent S…, les très jeunes non plus. Elle ne met qu’au second rang les charmes physiques de la femme. Elle se sent attirée comme par une force magnétique vers celles qui sont entre vingt-quatre et trente ans. Elle trouvait sa satisfaction sexuelle exclusivement in corpore feminæ[ws 1] (jamais sur son propre corps), par la manustupration de la femme aimée ou en faisant le cunnilingus. À l’occasion elle se servait aussi d’un bas garni d’étoupe comme priape. S… ne fait qu’à contre-cœur et avec un visible embarras pudique ces révélations ; de même, dans ses écrits, on ne trouve aucune trace d’impudicité ou de cynisme.

Elle est dévote, a un vif intérêt pour tout ce qui est beau et noble, sauf pour les hommes ; elle est très sensible à l’estime morale des autres.

Elle regrette profondément d’avoir par sa passion rendu Marie malheureuse, trouve pervers ses sentiments sexuels, et cet amour d’une femme pour une autre femme moralement répréhensible chez les individus sains. Elle a beaucoup de talent littéraire, possède une mémoire extraordinaire. Sa seule faiblesse est sa légèreté colossale et son incapacité de gérer, avec bon sens, l’argent et les valeurs en argent. Mais elle se rend parfaitement compte de cette faiblesse et nous prie de n’en plus parler.

S… a 153 centimètres de taille ; elle est d’une charpente osseuse délicate et maigre, mais étonnamment musculeuse sur la poitrine

  1. sur le corps de la femme