annoncent le calme et la paix à cette pauvre âme, à ce pauvre cœur qui jusqu’au dernier soupir n’a battu que pour toi. »
Examen personnel. – La première rencontre que les médecins légistes eurent avec Mlle S…, fut en quelque sorte un embarras pour les deux parties : pour les médecins, parce que la tournure virile, peut-être exagérée, de S…, leur en imposait ; pour elle, parce qu’elle craignait d’être déshonorée par le stigmate de la moral insanity. Une figure intelligente, pas laide, qui malgré une certaine délicatesse des traits et une certaine exiguïté des parties, aurait eu un caractère masculin très prononcé, s’il n’y avait pas absence totale de moustaches, ce que S… regrettait beaucoup. Il était difficile, même pour les médecins légistes, malgré les vêtements féminins de Sarolta, de se figurer sans cesse avoir devant eux une dame : par contre, les rapports avec Sàndor homme se passaient avec beaucoup plus de sans-gêne, de naturel, et de correction apparente, l’accusée elle-même le sent bien. Elle devient plus franche, plus communicative, plus dégagée, aussitôt qu’on la traite en homme.
Malgré son penchant pour le sexe féminin qui existait chez elle depuis les premières années de sa vie, elle prétend n’avoir éprouvé les premières manifestations de l’instinct génital qu’à l’âge de treize ans, lorsqu’elle enleva l’Anglaise à cheveux roux du pensionnat de Dresde. Cet instinct se manifestait alors par une sensation de volupté, quand elle embrassait et caressait son amie. Déjà à cette époque, elle ne voyait dans ses songes que des êtres féminins ; depuis, dans ses rêves érotiques, elle se sentit toujours dans la situation d’un homme, et à l’occasion, elle eut aussi la sensation de l’éjaculation.
Elle ne connaît ni l’onanisme solitaire ni l’onanisme mutuel. Pareille chose lui paraît dégoûtante et au-dessous de la « dignité d’un homme ». Elle ne s’est jamais laissée toucher par d’autres ad genitalia[ws 1], d’abord pour la raison qu’elle tenait beaucoup à garder son secret. Les menses[ws 2] ne se sont produites qu’à l’âge de dix-sept ans, elles venaient toujours faiblement et sans aucun malaise. S… abhorre visiblement la discussion des phénomènes de la menstruation ; c’est quelque chose qui répugne à ses sentiments et à sa conscience d’homme. Elle reconnaît le caractère morbide de ses penchants sexuels, mais elle ne désire pas un autre état, se sentant bien et heureuse dans cette situation perverse. L’idée d’un rapport sexuel avec des hommes lui fait horreur et elle en croit l’exécution impossible.