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tion de cet amour, aux souvenirs du temps de son premier amour et de sa première connaissance.

S… se plaint de son cœur qui ne se laisse pas dominer par la raison ; elle manifeste des explosions de sentiments, qu’on ne peut que sentir dans la réalité, et qu’on ne peut feindre. Puis de nouveau, des explosions de la passion la plus folle avec la déclaration de ne pouvoir plus vivre sans Marie. « Ta voix si chère et si aimée, cette voix au son de laquelle je sortirais peut-être encore de ma tombe, cette voix dont le son m’était toujours la promesse du paradis ! Ta seule présence était suffisante pour soulager mes souffrances physiques et morales. C’était un courant magnétique, une singulière puissance que ton être a exercée sur le mien et que je ne saurais jamais définir. Ainsi j’en suis restée à la définition éternellement juste et vraie : Je l’aime, parce que je l’aime. Dans la nuit sombre et pleine de désolation, je n’avais qu’une étoile, l’astre de l’amour de Marie. Cet astre est éteint maintenant ; il n’en est resté que le reflet, le souvenir doux et douloureux qui de sa lueur faible éclaircit encore la nuit terrible de la mort, une étincelle d’espoir… » Cet écrit se termine par cette apostrophe : « Messieurs, sages jurisconsultes, psycho-pathologues et autres, jugez-moi ! Chaque pas que je faisais était guidé par l’amour, chacun de mes actes avait pour cause l’amour. — Dieu me l’a inculqué dans le cœur. S’il m’a créée telle et non autrement, est-ce ma faute ou sont-ce les voies du destin à jamais insondables ? J’ai foi en Dieu et je crois qu’un jour la délivrance viendra, car ma faute n’était que l’amour même, base et principe fondamental de ses doctrines et de son empire. Dieu miséricordieux, tout-puissant, tu vois mes peines, tu sais combien je souffre : penche-toi vers moi, tends-moi ta main secourable, puisque tout le monde m’a déjà abandonnée. Dieu seul est juste. Dans quel beau langage le dit Victor Hugo dans sa Légende des Siècles ! Qu’il me semble triste et singulier cet air de Mendelssohn : Chaque nuit je te vois dans mon rêve… »

Bien que S…, sache qu’aucun de ses écrits n’arrivera à sa « tête de lionne adorée », elle ne se lasse point de remplir les feuilles de l’exaltation de la personne de Marie, d’y transcrire les explosions de sa douleur et de son bonheur en amour, « de solliciter une seule larme claire et brillante, versée par un clair et tranquille soir d’été, quand le lac est embrasé des feux du soleil couchant, comme de l’or fondu, et que les cloches de Sainte-Anna et de Maria-Woerth se fondent en une harmonie mélancolique et