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surtout parce que je crois pouvoir supposer qu’elle ne m’est pas venue par hérédité. Je crois que c’est l’onanisme qui a allumé ce sentiment congénital. Il y a longtemps que j’aurais pu mettre fin à toutes ces misères, puisque je ne crains pas la mort, et que dans la religion qui, fait curieux, ne s’est pas retirée de mon cœur impur, je ne trouve aucun avertissement contre le suicide. Mais la conviction que ce n’est pas exclusivement ma faute qui fait qu’un ver rongeur a rongé ma vie dès son origine, un certain défi de rester quand même, défi que j’ai conçu précisément ces temps derniers à la suite d’un indicible chagrin, m’amènent à tenter l’expérience afin de voir s’il n’y a pas possibilité d’échafauder sur une nouvelle base un modeste bonheur pour ma vie, quelque chose qui me remplisse le cœur. Je crois que, sous l’influence d’une vie de famille tranquille, je pourrais devenir heureux. Mais je ne dois pas vous cacher que l’idée de vivre maritalement avec une femme m’est horrible, que je n’entreprendrais que le cœur saignant cette tentative de revirement, car alors je devrais rompre radicalement avec l’espoir toujours vivace, avec cette illusion que le hasard pourrait pourtant m’amener un jour le bonheur rêvé.

Cette idée fixe s’est tellement enracinée que je crains que, seule, la suggestion hypnotique puisse m’en guérir.

Pourriez-vous me donner un conseil ? Vous me rendriez infiniment heureux. Le conseil le plus pressant se bornera probablement à m’interdire l’onanisme. Que je voudrais le suivre ! Mais si je n’ai pas sous la main des moyens directement matériels ou mécaniques, je ne pourrai pas m’arracher à ce vice. D’autant moins que je crains qu’à la suite de ces pratiques durant des années, ma nature s’y soit déjà habituée. Les suites, il est vrai, ne m’en ont pas été épargnées, bien qu’elles ne soient pas aussi horribles qu’on les dépeint ordinairement. Je souffre d’une nervosité peu intense ; je suis, il est vrai, affaibli et je paie ce vice par des troubles périodiques de la digestion ; mais je suis capable encore de supporter des fatigues ; j’y trouve même quelque plaisir si elles ne sont pas trop fortes. Je suis d’humeur sombre, mais je peux être très gai par moments ; heureusement j’aime mon métier ; je m’intéresse à bien des choses, surtout à la musique, aux arts, à la littérature. Je ne me suis jamais livré à des occupations féminines.

Ainsi que cela ressort de tout ce que je viens d’exposer, j’aime à fréquenter les hommes, surtout quand ils sont beaux, mais je