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rêves érotiques, il s’agissait toujours de femmes. Elle n’a jamais rêvé d’hommes.

Elle ne croit pas qu’elle puisse encore aimer un homme, car les hommes sont faux ; elle est d’elle-même nerveuse et anémique.

Elle se croit tout à fait femme, mais elle regrette de n’être pas homme. Déjà à l’âge de quatre ans, son plus grand plaisir était de s’habiller en garçon. Elle a décidément un caractère viril ; aussi n’a-t-elle jamais pleuré de sa vie. Sa plus grande passion serait de monter à cheval, de faire de la gymnastique, de l’escrime, de conduire des chevaux. Elle souffre beaucoup de ce que personne de son entourage ne la comprenne. Elle trouve bête de parler affaires de femmes. Beaucoup de gens qui la connaissent ont déjà émis l’opinion qu’elle aurait dû naître homme.

La malade dit qu’elle n’a jamais eu un tempérament sensuel. En donnant l’accolade à ses amies, elle a souvent éprouvé une curieuse sensation de volupté. L’accolade et les baisers étaient ses seules manifestations d’amitié.

La malade prétend être née d’un père nerveux et d’une mère folle qui, jeune fille, était tombée amoureuse de son propre frère qu’elle voulut persuader de partir avec elle pour l’Amérique. Le frère de la malade est un homme très étrange et très bizarre.

La malade ne présente aucun signe extérieur de dégénérescence ; le crâne est normal. Elle prétend avoir eu ses premières menstrues à l’âge de quatorze ans. Elles viennent régulièrement, mais lui causent toujours des douleurs.


OBSERVATION 121. – Pour donner tout de suite à mon malheureux état le nom qui lui convient, je vous ferai tout d’abord remarquer qu’il porte tous les symptômes de l’état que vous avez désigné sous le nom d’effeminatio dans votre ouvrage Psychopathia sexualis.

J’ai maintenant trente-huit ans : grâce à mon anomalie, j’ai derrière moi une vie remplie de tant d’indicibles souffrances que je m’étonne souvent de la force d’endurance dont l’homme peut être doué. Ces temps derniers la conscience d’avoir traversé tant de supplices m’a inspiré une sorte d’estime pour moi-même, sentiment qui seul est capable de me rendre la vie encore quelque peu supportable.

Je vais maintenant m’efforcer de dépeindre mon état tel qu’il est, et selon l’exacte réalité. Je suis au physique bien portant ; autant que je puis m’en souvenir, je n’ai jamais fait